Automutilations chez les adolescentes : comprendre et agir
- Séverine HUE
- 8 sept.
- 3 min de lecture

L’adolescence est une période de transition intense, marquée par des bouleversements physiques, émotionnels et sociaux. Si beaucoup de jeunes traversent cette étape avec des hauts et des bas « classiques », certains vivent une détresse psychologique plus profonde qui peut se traduire par des comportements d’automutilation. Ces gestes, souvent méconnus ou mal compris, inquiètent à juste titre parents, éducateurs et soignants. Comprendre leurs raisons, c’est déjà commencer à aider.
Qu’entend-on par automutilation ?
L’automutilation regroupe tous les comportements par lesquels une personne s’inflige volontairement une blessure, sans intention de mettre fin à sa vie. Chez les adolescentes, cela peut prendre la forme de coupures superficielles, de brûlures, de griffures répétées ou encore de coups portés contre soi-même. Ces gestes se déroulent généralement en secret, dans une grande honte, et ne visent pas à attirer l’attention, contrairement aux idées reçues.
Il est essentiel de distinguer l’automutilation de la tentative de suicide : dans l’automutilation, le but n’est pas de mourir, mais de soulager une souffrance psychique intolérable. Cela n’en rend pas le phénomène moins grave, car il constitue un signal d’alarme majeur.
Pourquoi les adolescentes s’automutilent-elles ?
Les causes sont multiples, et il n’existe pas une seule explication valable pour toutes. Cependant, plusieurs mécanismes psychologiques et contextuels reviennent fréquemment.
1. Réguler une douleur émotionnelle
Beaucoup d’adolescentes décrivent l’automutilation comme un moyen de « faire taire » une souffrance intérieure trop forte. La douleur physique vient temporairement détourner l’attention d’un sentiment d’angoisse, de vide, de colère ou de tristesse. Ce mécanisme d’apaisement immédiat, bien que nocif, procure une illusion de contrôle.
2. Mettre des mots sur l’indicible
Certaines jeunes n’arrivent pas à exprimer leur détresse autrement que par le corps. Faute de trouver des mots ou d’avoir un interlocuteur de confiance, la coupure devient un langage. Le sang ou la blessure visible représentent alors une matérialisation de ce qui, intérieurement, est invisible et insupportable.
3. Reprendre le contrôle
L’adolescence est aussi une période où les adolescentes se sentent souvent impuissantes face aux exigences scolaires, aux conflits familiaux ou aux pressions sociales. L’acte d’automutilation peut donner l’impression de reprendre la main sur quelque chose : leur corps, leur douleur.
4. Influences sociales et sentiment d’appartenance
Attention, les réseaux sociaux, certaines communautés virtuelles ou amicales peuvent banaliser, voire valoriser l’automutilation. Pour une adolescente en quête d’identité et d’appartenance, reproduire ce comportement peut devenir un moyen de se sentir comprise ou intégrée, même si le prix en est élevé.
5. Antécédents de traumatisme
Les jeunes ayant vécu des violences physiques, psychologiques ou sexuelles sont davantage exposées à l’automutilation. Le geste devient alors une manière de gérer des souvenirs intrusifs ou des émotions insupportables liées au traumatisme.
Les signaux d’alerte à reconnaître
L’automutilation étant souvent cachée, il est important de rester attentif à certains signes :
vêtements longs portés en toute saison pour dissimuler les cicatrices,
objets tranchants retrouvés dans la chambre,
isolement soudain, baisse de l’estime de soi,
sautes d’humeur ou crises d’angoisse répétées.
Il ne s’agit pas de surveiller l’adolescente de façon intrusive, mais de rester attentif et ouvert à la communication.
Pourquoi consulter un thérapeute ?
Face à l’automutilation, la réaction la plus courante des proches est la peur, parfois la colère ou l’incompréhension. Pourtant, culpabiliser ou punir l’adolescente ne fait qu’aggraver le repli et renforcer la honte.
Un professionnel de la santé mentale peut offrir un espace sécurisé et confidentiel pour mettre des mots sur la souffrance et explorer d’autres façons d’y faire face. La consultation permet :
d’évaluer la gravité de la situation et d’écarter un risque suicidaire,
de comprendre les causes profondes (traumatismes, dépression, anxiété, troubles de l’identité, etc.),
d’apprendre de nouvelles stratégies d’apaisement plus adaptées que la blessure physique,
d’impliquer progressivement la famille pour restaurer la communication et le soutien.
La thérapie aide l’adolescente à retrouver des repères et des outils pour gérer ses émotions autrement.
Le rôle des proches
Même si la prise en charge professionnelle est essentielle, l’entourage a un rôle déterminant. Écouter sans juger, exprimer une inquiétude sincère sans dramatisation, maintenir le dialogue ouvert et rappeler que l’on reste disponible sont autant d’attitudes protectrices.
Il ne s’agit pas d’avoir toutes les réponses, mais de montrer à l’adolescente qu’elle n’est pas seule. La patience et la bienveillance sont souvent les meilleures armes contre le silence et la honte.
Conclusion
L’automutilation chez les adolescentes n’est jamais un « caprice » ni une recherche d’attention. C’est l’expression d’une détresse psychologique profonde qui mérite d’être entendue. Derrière chaque blessure, il y a une souffrance réelle, et derrière chaque souffrance, un besoin de soutien.
Consulter un professionnel est une étape clé pour briser le cycle de la douleur et redonner à l’adolescente des moyens plus sains d’affronter ses émotions. Plus tôt l’accompagnement est mis en place, plus grandes sont les chances de guérison et de résilience.
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